Qu’est-ce que le rock psychédélique ?

Qu’il fasse fantasmer, triper ou tout simplement planer, le rock psychédélique est l’un des genres musicaux ayant connu le plus de revivals depuis son apparition au milieu des années 60. Mais qu’est-ce qui caractérise ce style qui a su fasciner et se réinventer au fil des générations ? On vous donne quelques éléments de réponse !

 

La naissance du rock psychédélique


L’apparition du rock psychédélique - ou « acid rock » pour les amateurs de psychotropes - est intimement liée à celle du mouvement de contre-culture hippie. Conjointement à la redéfinition et la popularisation du rock en Angleterre, de multiples mouvements pacifistes et contestataires voient le jour aux États-Unis. Le climat de tension socio-politique vis-à-vis de la Guerre du Vietnam ou la Ségrégation raciale pousse une partie de la jeunesse américaine à faire entendre sa voix, notamment à San Francisco, épicentre de la culture « peace & love ».



L’année 1967 marque le point d’orgue du mouvement psychédélique. Autour du célèbre Summer of Love, de nombreuses formations et artistes ancrés dans l’esthétique et la philosophie de la contre-culture hippie naissent ou gagnent en notoriété, comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Santana, Jefferson Airplane ou encore Grateful Dead. La plupart de ces artistes se produiront d’ailleurs dans les cultissimes festivals de Monterey (en 1967) et Woodstock (en 1969), deux événements fondateurs dans la popularisation du rock psychédélique à travers le monde. À cette même période, d’autres groupes déjà bien installés suivent le mouvement, comme les Beatles ou les Rolling Stones, prônant une certaine utopie articulée autour de l’amour libre, la consommation de drogues hallucinogènes ou l'hédonisme, et mettant en valeur une esthétique colorée et kaléidoscopique, devenue aujourd'hui iconique.

Le style du rock psychédélique est loin d’être figé et ne cesse d’évoluer au rythme de l’industrie musicale. Pourtant, plusieurs éléments peuvent lui faire directement référence : les rythmiques transcendantales ou tribales, les basses rondes et hypnotiques, les guitares à douze cordes, les solos gorgés d’effets en tout genre (fuzz, wah-wah…), les claviers atmosphériques (orgue, glockenspiel, mellotron…) ou encore l’utilisation d’instruments « exotiques » de toutes sortes (sitar, flûte, tambura…).

Si le rock psychédélique a pris racine au milieu des années 60 et revendique, encore aujourd’hui, ses origines hippies, il a aussi su se métamorphoser et influencer d’autres genres au fil des générations. On peut notamment citer le rock progressif, la soul, l’acid jazz, le krautrock, le shoegaze, le space rock, l’acide house ou plus récemment le stoner, la freak folk ou le garage psyché.

 

Le rock psychédélique d’hier et d’aujourd'hui

 

Quelques vinyles cultes du rock psyché

 

Impossible de ne pas mentionner LE monument psychédélique des Fab Four. Plus que d’être une des oeuvres les plus influentes de l’histoire de la musique, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est aussi un chef d’œuvre d’expérimentations et d’innovation techniques, ainsi qu’une des pierres angulaires de la culture « peace & love ». Dans le sillon tracé par son ainé Revolver, l’album concept incarne tous les symboles de l’époque : expériences hallucinogènes, influences orientales, esthétique bigarrée, lyrisme onirique, production kaléidoscopique… Assurément le plus culte des albums de rock psychédélique !


Le premier album de la formation de l’icône psychédélique par excellence : Jimi Hendrix. Are You Experienced est une véritable odyssée narcotique, popularisant les pédales d’effets wah-wah ou Octavia, les solos en pentatonique et les riffs légendaires de la star afro-américaine, dont le pouvoir transcendantal n’en sera que décuplé sur scène, jusqu’à sa mort en septembre 1970.

  • The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators - 13th Floor Elevators


The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators est non seulement l’un des albums précurseurs du genre, mais aussi l’un des premiers à utiliser le terme « psychedelic » dans son titre. Hautement influencé par les drogues hallucinogènes (LSD en tête), le premier album de la bande à Roky Erickson est un trip mystique et envoûtant, qui emmène le garage bluesy en apesanteur. Il est aujourd'hui le porte-étendard du psychédélisme made in Austin.


Cultissime album du rock psychédélique californien, The Doors est un trésor fantasmagorique, à la croisée du jazz, du blues et du rock psyché. Les claviers ardents de « Light My Fire » et la fresque énigmatique « The End » restent aujourd'hui des emblèmes du groupe et du genre, tout comme les prestations scéniques de son leader engagé et torturé, Jim Morrison.


Enfin, difficile d’évoquer le rock psychédélique sans parler de Syd Barrett. Avant d’être remplacé par  David Gilmour au sein des Pink Floyd - pour cause de dépression nerveuse due à une consommation excessive de drogues - le compositeur menait bel et bien la barque ! Sur le premier album de la formation londonienne, il est l’auteur de la quasi-intégralité des titres, dont le lyrisme navigue quelque part entre l’espace et les contes surnaturels. The Piper at the Gates of Dawn et Syd Barrett sont à l’origine de l’aura psychédélique des Floyd telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

Neo-psychedelia et nouvelles générations


Bien que l’âge d’or du rock psychédélique ait eu lieu au milieu des années 60, son influence n’aura jamais dépéri au fil des générations. Assez discret dans les années 80, on retrouvera tout de même quelques effluves psyché chez certains groupes étiquetés new wave ou post-punk à l’époque, comme XTC, Echo & the Bunnymen, Spacemen 3, The Jesus and Mary Chain ou encore les biens nommés Psychedelic Furs.

C’est à l’aube des années 90 que le rock psychédélique va vivre son premier grand revival. Si la scène électronique émergente fait indéniablement écho à la contre-culture des années 60 (un Second Summer of Love aura même lieu durant les étés 88 et 89 au Royaume-Uni suite à la naissance de l’acid house et des rave party), le rock va lui aussi s’aguerrir d’une toute nouvelle génération de formations psyché. D’abord à travers le mouvement Madchester (avec les Stone Roses ou les Happy Mondays), puis au cœur même de la britpop (notamment chez Oasis ou The Verve), avant de trouver définitivement ses marques à travers le mouvement neo-psychedelia, au sein duquel les Flaming Lips, Primal Scream, Spiritualized, Super Furry Animals ou The Brian Jonestown Massacre sont les plus saillants représentants.

Les deux décennies suivantes seront aussi traversées par de notables renouveaux du genre. Tout d’abord dans les années 2000, avec des groupes comme Animal Collective, MGMT, Deerhunter, A Place to Bury Strangers ou The Black Angels (ces derniers seront d’ailleurs à l’origine de la création de l’Austin Psych Fest, célèbre festival rendant hommage au 13th Floor Elevators et au psychédélisme sous toutes ses formes). Ensuite, dans les années 2010, avec une scène garage psyché en plein essor (Oh Sees, Ty Segall, King Gizzard and the Lizard Wizard…) et l’émergence d’innombrables formations à travers le globe, de l’Australie de Tame Impala, en passant par le Japon de Kikagaku Moyo ou le Canada de Suuns.

 

Les nouveaux labels référence du rock psyché


Le succès, la pérennité et le renouvellement du rock psychédélique à travers le monde pendant près de six décennies est également dû à l’affleurement de nombreux labels profondément attachés à ses valeurs et son esthétique. En voici une petite sélection haute en couleurs :


Coup de coeur du Supersonic Records, Fuzz Club Records a été créé à Londres en 2012. Si quelques grands noms du rock psychédélique sont passés par le label (des Black Angels au Warlocks), on y retrouve aussi quelques succulentes pépites psyché actuelles, comme Holy Wave, Servo, The Underground Youth ou même nos frenchies de You Said Strange.


John Dwyer, leader de Osees (ou Oh Sees, OCS… on a du mal à suivre !), est incontestablement l’un des musiciens les plus prolifiques de la nouvelle scène garage psychédélique. Mais saviez-vous qu’il était aussi à la tête d’un label dédié au genre et ses dérivés ? Aux côtés de Matt Jones et Brian Lee Hughes, le Californien fondera Castle Face Records en 2006, donnant de la visibilité à ses nouveaux disciples : Once & Future Band, White Fence, Fuzz (side-project de Ty Segall) ou Flat Worms, pour ne citer qu’eux.


L’un des labels indépendants les plus foisonnants de New York ! Fondé à Brooklyn par Caleb Braaten en 2007, le label peut se targuer d’avoir signé quelques uns des plus dignes représentants du neo-psychedelia : Moon Duo, Psychic Ills, Föllakzoid, The Holydrug Couple, mais aussi… le légendaire réalisateur David Lynch ! Rien que ça.


Créé à Bristol en 1998 par Chris Reeder et John O’Carroll, Rocket Recordings s’est construit une petite réputation dans le milieu psyché, shoegaze, krautrock et noise. On y retrouve quelques figures connues de la scène psychédélique contemporaine, comme les Suédois de GOAT, les Anglais de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs, ou encore MIEN, le super groupe composé de Alex Maas (Black Angels), Tom Furse (The Horrors), Rishi Dhir (Elephant Stone) et John-Mark Lapham (The Earlies).


Ce n’est pas un secret pour les fans de King Gizzard and the Lizard Wizard : le label australien Flightless Records a été créé par un ancien membre du groupe, Eric Moore, en 2012. Basé à Melbourne, il compte aujourd’hui dans ses rangs des formations psychédéliques de différents horizons : indie pop avec Babe Rainbow, punk avec Tropical Fuck Storm ou garage avec ORB.

 

La sélection Supersonic Records psychédélique

Dead Meadow - The Nothing They Need (2018)


On s’excuse par avance si le nom de votre groupe de rock psychédélique préféré n’a pas été cité dans cet article, et on espère que cette fine sélection Supersonic Records psychédélique vous fera triper comme il se doit !