Comment devenir disquaire indépendant ?

Jouant un rôle fondateur dans la marchandisation de la musique enregistrée et la découverte musicale, le métier de disquaire ne cesse aujourd'hui de perdurer et ce, malgré l’avènement du streaming. Mais qu’est-ce qui définit et caractérise cette profession souvent fantasmée ? On vous dit tout !

 

L’histoire du métier de disquaire

L’histoire en quelques points :

  • Naissance de la profession à partir de 1894, parallèlement à création du premier « record shop », Spillers Records.
  • Popularisation du métier tout au long du XXe siècle, faisant du disquaire un prescripteur musical majeur.
  • Profession doublement mise en crise avec la démocratisation du CD et l’avènement du numérique et des plateformes de streaming musical.
  • Retour de hype des disquaires vers les années 2010, influencé par l’économie des artistes et la mode du vintage.

 

La naissance des « record shops »

Geoff Travis (right) at Rough Trade, circa 1977. On the left is Jake Riviera, founder of Stiff Records. (Photo by Estate Of Keith Morris/Redferns/Getty Images.)

 

Comme souvent dans l’histoire de la musique, c’est outre Manche que tout débute. En 1894, à Cardiff au Pays de Galles, le Spillers Records ouvre ses portes, instaurant avec lui les premières professions de disquaire. Si le magasin se spécialise dans un premier temps dans la vente de phonographes et de disques 78 tours en gomme-laque, sa singularité et sa popularité feront naître de nombreuses vocations à travers le monde durant tout le XXe siècle.

En parallèle de l’explosion des disques vinyles 33 et 45 tours et des labels indépendants, les magasins de disque deviennent peu à peu des lieux culturels incontournables - à l’image des librairies pour la littérature - et les disquaires de véritables guides musicaux. Certains « record shops » iront même jusqu’à créer leur propre label, comme l’incontournable Rough Trade Records - maison mère des Smiths ou des Libertines et label des boutiques anglaises Rough Trade, fondées par Geoff Travis en 1976.

 

De la crise…

Bien que les disquaires aient toujours entretenu un certain rôle de prescripteur au fil des ans, ils n’ont pas pour autant échappé aux différents bouleversements technologiques de l’industrie musicale, ayant impacté aussi bien leur fonction que leur marchandise première.

La démocratisation du CD au début des années 90 marquera ainsi la première « crise » de la profession, reléguant le disque vinyle à un support d’écoute trop encombrant et désuet. Si la plupart des disquaires se mettront rapidement à vendre aussi le disque compact, sa commercialisation massive dans les enseignes multiculturelles grand public fera de l’ombre à la profession, toujours profondément attachée à la précieuse galette noire.

Une petite décennie plus tard, l'avènement du numérique sera synonyme d’une deuxième « crise » pour les disquaires. Le téléchargement, en majorité illégal, ainsi que l’accessibilité et la richesse quasi-illimitée des plateformes de streaming feront des CDs et des vinyles des supports de second plan, obligeant un bon nombre de disquaires à mettre la clé sous la porte. De plus, Internet offrant de nombreux espaces d’informations, d’interactions et d’échanges, le rôle même du disquaire se retrouvera, lui aussi, remis en cause.

 

… au retour de hype !

 

Si le succès du streaming musical ne fait pas l’affaire des disquaires, il ne fait pas non plus celui des artistes. Face à la très faible rémunération des plateformes, ces derniers chercheront progressivement à étoffer leur merch, mettant de nouveau en avant les supports d’écoute physiques, la plupart du temps sous la forme de versions originales ou exclusives. Le vinyle devient alors un objet prestigieux et de nouveau demandé, profitant ainsi aux disquaires et à leur pérennité. Parallèlement au phénomène, le début des années 2010 sera aussi marqué par le retour à la mode du vintage, permettant au disque vinyle d’avoir de nouveau le vent en poupe, tout comme le métier de disquaire. Dans un Web désormais noyé d’informations, le disquaire retrouve aujourd’hui son rôle de prescripteur et de conseillé spécialisé, au coeur de lieux de nouveau enclins aux rencontres et aux échanges.

Depuis son lancement en 2007, le Record Store Day (ou Disquaire Day, en France) incarne parfaitement cette nouvelle dynamique. Sous l’organisation de disquaires indépendants, et avec le concours des maisons de disque et des artistes, cette journée rend hommage à la profession et ses valeurs les plus profondes, tout en promouvant la vente de disques vinyles, rares ou non.

Si, aujourd’hui, se rendre chez un disquaire signifie inconsciemment de pénétrer dans un lieu dédié à la vente de disques vinyles, cela renvoie donc aussi à vivre un expérience sociale centrée autour de la musique, incarnée par le disquaire lui-même : un professionnel passionné et connaisseur.

 

 

Disquaire : une vocation de passion et d’expertise


Que tout le monde se rassure : le métier de disquaire ne nécessite, à première vue, aucune qualification universitaire indispensable. Il s’agit bien d’une profession de passion, portée par un amour authentique pour la musique, son histoire, son actualité et son inconditionnel atout à ouvrir le dialogue.

De la passion naît bien souvent l’expertise, et c’est aussi ce qui caractérise un bon disquaire. Plus qu’un simple vendeur de produits culturels, c’est également un créateur de liens sociaux, un guide à la découverte musicale et un conseiller de premier choix. Il est aussi bien en relation avec des amateurs de musique indépendante que des dénicheurs de vieilles raretés, mais aussi de simples curieux à l’écoute de renseignements.

Mais le disquaire n’est pas seulement en contact avec les consommateurs de musique. Il est aussi l’un des véritables chaînons entre les producteurs de musique et le public. Au coeur d’une offre abondante, il doit savoir dénicher les meilleurs références et sauter sur les bonnes occasions, afin de construire un catalogue attrayant et surtout cohérent. En approvisionnant régulièrement ses stocks, le disquaire façonne ainsi un catalogue classifié - selon les genres, les courants ou les artistes - dont l’actualité musicale rythme, en partie, son renouvellement. Il tient donc un rôle de prescripteur, à la fois emphatique et rigoureux, dont la passion et l’expertise devraient encore longtemps faire front aux futures avancées technologiques.


En résumé, un bon disquaire est une personne :

  • Passionnée
  • Connaisseuse
  • Curieuse
  • Informée
  • Emphatique
  • Rigoureuse
Alors prêt à se lancer et à monter son disquaire ?