Le Madchester, c’est quoi ?

Aujourd’hui, on vous emmène dans le nord de l’Angleterre, à Manchester, pour vous faire découvrir un style gorgé d’influences : le Madchester. Tel une éponge, ce style s’est imprégné de ce qu’il se faisait de mieux durant sa période. On vous retrace son histoire par le biais de quelques groupes phares.

Madchester ?

Mot-valise de « mad » (fou) et Manchester (ville d’origine de ce style particulier), le Madchester désigne ce courant qui regroupe les artistes mancuniens qui mêlent le rock psychédélique à une rythmique funk, souvent produit façon house music – car Manchester, via la célèbre Haçienda (club effervescent de Madchester élaboré par le tout aussi effervescent label Factory) devient très vite l’un des épicentres de la culture club, sur fond de psychotropes. Le résultat est un cocktail savoureux et unique dont seule cette ville ouvrière du nord de l’Angleterre, en perpétuelle quête de renouveau, a le secret.

 

 

Les précurseurs

A la fin des années 70, Manchester est une ville industrielle en déclin. D’un point de vue artistique, on ne va pas se mentir : on s’ennuie ferme. Mais un évènement va donner un coup de pied dans la fourmilière : le concert des Sex Pistols au Lesser Free Trade Hall. Le punk et son idéologie DIY débarquent sur les bords de la rivière Irwell. Tout le monde dégaine alors sa guitare, peu importe la virtuosité, et c’est alors que se forment Joy Division, The Smiths, Section 25, et nombre de groupes qui, à leur tour, donneront envie à de jeunes padawans de s’amuser avec l’instrument à six cordes…

  • New Order

Joy Division est mort, vive New Order ! Après le suicide de Ian Curtis, le reste de la bande forme un nouveau groupe et s’éloigne des sonorités obscures de leur première formation. On y incorpore davantage de synthés et de boîtes à rythmes. Le son est taillé pour danser dans la Haçienda qui vient d’ouvrir ses portes. Tout le monde s’arrache Blue Monday. Pourtant, le single, trop cher à la fabrication endette le label Factory à chaque pressage. Plus le disque se vend, plus la maison s’endette…

  • Section 25

Formé en 1977, Section 25, tout comme Joy Division/New Order, commence sur Factory records. À ses débuts, la formation propose un son post-punk très sombre, à l’instar de son premier single Girls Don’t Count – produit par Ian Curtis – avant d’entamer, sous la production de Bernard Sumner (du groupe susmentionné), un virage plus new wave, sacré Bernard ! Looking From A Hilltop, avec ses boîtes à rythme saccadées, fait partie des hymnes de la Haçienda.

  • The Smiths

Monument de Manchester, les Smiths sont articulés autour du duo de songwriters Johnny Marr et Morrissey. Le premier s’occupe des mélodies, assez enjouées, le second des paroles, gorgées de mélancolie. Le résultat est irrésistible et le groupe fait partie des groupes indépendants les plus populaires d’Angleterre dans les années 80. Si la formation n’a duré que 5 ans, elle n’en fut pas moins prolifique, et c’est toute une ribambelle de tubes (How Soon Is Now, This Charming Man, There Is A Light That Never Goes Out…) qu’elle laisse derrière elle.

 

 

 

Les leaders du Madchester

Passons au vif du sujet. À la fin des années 80, la house débarque à Manchester et la Haçienda devient la place forte de ce style de musique en Angleterre. Toute une scène, plutôt issue du rock indépendant, va commencer à s’y intéresser et mélanger toutes ces influences. C’est la naissance du Madchester, qui trouvera son nom en 1989 avec l’EP de Happy Mondays, Madchester Rave On. On vous présente les groupes majeurs de ce mouvement complètement Mad.

  • The Stone Roses

LE groupe de Madchester le plus populaire avec les Happy Mondays, et sans doute le plus influent de la scène indé britannique à cette époque. The Stone Roses frappent un grand coup en 1989 avec un album tout simplement appelé The Stone Roses. Cascade de saveurs, cet opus reste un incontournable 30 ans plus tard : I Wanna Be Adored, I Am The Resurrection ou encore She Bangs The Drums font encore partie du folklore mancunien. La formation de Ian Brown semble à l’époque être une corne d’abondance et sort trois ans plus tard Turns Into Stone, qui regroupe tous les titres qui n’ont pas pu figurer sur le premier album. Malheureusement, le deuxième album, Second Coming, tant attendu, et sorti en 1994, n’obtient pas le succès escompté.

Formé autour des frères Ryder (Shaun et Bez), Happy Mondays proposent un son plus dance et plus barré que les Stone Roses. Ils sont l’incarnation de culture rave à Manchester avec les tubes 24-Hour Party People (qui donnera son nom à un excellent film sur Factory records et la Haçienda), Hallelujah, Kinky Afro ou encore l’immanquable Step On. Hélas, les Ryder et leurs acolytes sont accros au crack et à l’héro et ça n’est pas du goût de la maison de disque, qui les envoie aux Bahamas pour les mettre au vert. Pas de bol, Shaun y trouve de la méthadone, et ça ne lui réussit pas. Le quatrième album se vend mal et est l’un des clous du cercueil de Factory…

Emmenés par Tim Burgess, les Charlatans débarquent avec un premier album, Some Friendly, dans lequel les morceaux sont brodés autour d’un rythmique très « baggy » (style grandement influencé par le funk et le psyché), agrémentée d’un orgue hammond (Peace Frog des Doors quand tu nous tiens). Jusqu’en 1995, le groupe répète cette formule qui marche délicieusement bien – avec les frénétiques The Only One I Know ou Polar Bear – avant de partir sur ce qui s’apparente davantage à de la Britpop, sans pour autant perdre en qualité. Avec pas moins de 13 albums, les Charlatans sont toujours en activité et Burgess s’improvise animateur de radio sur BBC 6.

  • Inspiral Carpets

Vous avez parlé d’orgues ? Il y en a aussi chez Inspiral Carpets ! Guidée par le timbre particulier de Stephen Holt, la formation s’appuie sur un rock plus saturé que les groupes mentionnés précédemment, à l’instar de leur reprise désinvolte de Tainted Love. On reste dans du psyché avec une rythmique bien groovy comme on les aime. S’ils ont connu un succès un peu moins important que les deux mastodontes que furent les Stone Roses et Happy Mondays, leur influence au sein de la scène mancunienne fut très importante. Noel Gallagher, songwriter principal d’Oasis, est le premier à revendiquer l’inspiration d’Inspiral Carpets dans sa musique. Pour la petite histoire, il a opéré comme tourneur pour eux avant de monter son groupe, c’est d’ailleurs en partie comme cela qu’il a fait ses gammes.

  • 808 State

Pour 808 State, on laisse un peu de côté le rock pour un son beaucoup plus électronique. Très influencé par la house qui passait à la Haçienda, la formation de Graham Massey y a incorporé des rythmiques funk, le tout agrémenté de nappes de synthés. Leur tube phare, Pacific State fut l’un des incontournables de clubbing au début des années 90 et la preuve que la deuxième place forte de la house dans le monde après Chicago était Manchester.

 

 

Les héritiers

  • The Chemical Brothers
Ils ne viennent pas de Manchester, mais ils y sont rencontrés. Tom Rowlands et Ed Simons, alors en études médiévales à l’université de Manchester, se découvrent une passion pour la techno et commencent à composer ensemble. Le duo puise son inspiration dans la rythmique funk du Madchester tout en y insufflant un côté industriel, et cela donne un sublime premier album : Exit Planet Dust, sur lequel figurera Tim Burgess des Charlatans, pour un morceau tout aussi sublime, Life Is Sweet.

  • Fatboy Slim
Autre figure de proue du mouvement big-beat, Norman Cook, aka Fatboy Slim, ne vient pas de Manchester – il est né dans le Kent, a joué dans les Housemartins, groupe de Hull, puis a mis les voiles à Brighton où il a fondé son label Skint. Mais il coche toutes les cases pour se déclarer digne héritier du mouvement Madchester, à l’image de son cérémonial Praise You, dont les claviers et la rythmique nous font immédiatement penser aux Happy Mondays des grandes heures.

  • Jagwar Ma

Ils ne viennent même pas du Royaume-Uni, mais d’Australie, et pourtant… Plus de 15 ans après la « fin » du Madchester, Jagwar Ma peut se targuer d’être labellisé tel quel. Leur premier album, Howlin remet le style au goût du jour et nous propose une aventure à mi-chemin entre électronique et psyché. À l’instar du stellaire The Throw aux boites à rythmes irrésistibles ou du psychique Man I Need, Jono Ma et sa bande insufflent un vent de fraîcheur tout en apportant un petit goût de Haçienda. On est malheureusement sans nouvelles du groupe depuis quelque temps, et c’est bien dommage…