L’histoire du disque vinyle

Support principal de musique des fifties aux eighties, peu à peu marginalisé par les cassettes et les CDs, puis remise au goût du jour dans les années 2010 malgré l’essor du streaming, la galette a connu une histoire pour le moins tumultueuse. Focus sur l’évolution de cet objet dont s’arrachent de nouveau les collectionneurs.

Disques vinyles

Un support gorgé d’histoire

Il est bel et bien de retour ! Le disque noir, snobé pendant des décennies, refait surface, en témoigne la taille des bacs des disquaires qui a de nouveau pris en largeur. Des années 90 aux années 2010, lorsque vous vous baladiez dans un magasin de disques, les CDs régnaient en maîtres absolus. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas : dans les grandes enseignes, les grandes pochettes regagnent du terrain et nombreux sont les petits disquaires qui ont fait le choix de ne se consacrer qu’au vinyle (coucou Supersonic Records). Nombreuses sont les raisons qui expliquent cette recrudescence. Parmi elles, il y a assurément ce côté rétro, cette appétence à écouter ses albums préférés comme on le faisait au bon vieux temps. Même dans les clubs, les DJs qui savent jongler entre plusieurs galettes forcent tout de suite le respect : inévitablement, on aime le old-school. Même si les platines sont bien plus sophistiquées aujourd’hui qu’à une époque, utiliser un disque à microsillons, c’est embrasser ce qu’il y a derrière ce support mythique : l’histoire. Histoire qu’on vous raconte aujourd’hui.

Microsillons

  • Avant le disque vinyle

Pendant des siècles, le seul moyen d’écouter de la musique, c’était évidemment de se rendre à un concert. Jusqu’en 1857, il n’y a aucun moyen d’enregistrer un son. Mais un Français, Édouard-Léon Scott de Martinville, avec son phonautographe, change la donne : une membrane recueille les vibrations sonores, transmises par un stylet sur un petit cylindre. Mais ne crions pas victoire trop vite. Si l’on peut enregistrer un son, encore faut-il pouvoir le lire… C’est vingt ans plus tard que la solution arrive, grâce au phonographe (une syllabe en moins, une fonctionnalité en plus) de Thomas Edison que la lecture, toujours sur cylindre, devient possible. Mais cela reste très rudimentaire. C’est avec le gramophone (et son célèbre entonnoir que vous avez sans doute tous vu quelque part), conçu par Emil Berliner, qu’on passe vraiment aux choses sérieuses : on passe du cylindre au disque de cire et l’enregistrement est plus facilement reproductible ; c’est le début de la commercialisation de l’audio. Au début du XXe siècle, la gomme-laque remplace la cire et la société Columbia commence à distribuer des disques double face à 78 tours par minute, vitesse de rotation qui deviendra la norme après la Première Guerre Mondiale. Pendant près de 30 ans, le disque ne connaît pas de bouleversement majeur, jusqu’en 1948, où Columbia Records met sur le marché… le disque vinyle.

 

  • L’avènement du microsillon

Avec le disque vinyle, on passe aux microsillons (à l’opposé des sillons plus larges du 78 tours) et deux formats apparaissent : le 33 tours, privilégié pour les albums, et le 45 tours pour les singles et les EPs (extended play). Mais pour quels avantages ? Premièrement, le temps de lecture : une vingtaine de minutes par face pour un 33 tours (contre 5 pour un 78 tours), pour la même taille que pour le format précédent (on gagne donc de la place pour un même temps d’écoute). Deuxièmement, le poids : la matière vinyle est beaucoup plus légère que la gomme-laqué. Troisièmement un solidité accrue avec cette nouvelle matière. Enfin, le microsillon permet le pressage en stéréo. Si le son spatial est présent sur d’autres technologies comme la radio, le disque était jusqu’ici limité au mono. Néanmoins, étant donné qu’il faut le matériel adéquat pour lire des disques stéréo, les pressages mono perdurent – certains collectionneurs, d’ailleurs, privilégient encore aujourd’hui ce format, jugé plus « authentique ». Quoiqu’il en soit, le disque vinyle devient très rapidement le support de référence – le 78 tours ne persistant que dans les pays en développement et en URSS – et ce pendant plus de 30 ans. Malheureusement pour le disque noir, si les progrès technologiques ont permis son expansion, ils vont finir par le reléguer au second rang.

 

  • Une perte de vitesse

Au cours des années 60, un support de musique plus compact voit le jour : la cassette audio. Elle connaît des débuts timides et le vinyle a encore quelques années devant lui. Mais bientôt, la démocratisation des lecteurs de cassettes, dont le fameux Walkman qui permet d'écouter ses morceaux préférés partout où l'on va, inflige une sévère gifle à la galette. Le coup de grâce (enfin, c'est ce que l'on croyait) est asséné par l'apparition du CD. Le vinyle devient trop encombrant et peu pratique par rapport à ces nouveaux supports légers, utilisables partout et aussi moins fragiles (une mauvaise manip avec le tourne-disque et le vinyle était bon pour la poubelle). Pendant deux décennies, cassette et CD se partagent le marché de manière relativement équitable, mais l'avènement du numérique envoie la boîte à bande magnétiques à son tour au placard. Au cours des années 2000, Internet et le téléchargement (en grande partie illégal) sont synonymes de perte de vitesse pour le disque compact lui aussi. La musique se dématérialise de plus en plus, notamment avec l’essor du streaming, et il devient de plus en plus difficile pour les artistes (surtout hors majors) de vivre de leurs créations.

 

  • Le vinyle contre-attaque

Depuis les années 2010, les musiciens font principalement leur beurre grâce aux recettes des concerts et du merch, merch dans lequel on aperçoit de plus en plus des… disques vinyle ! Ces derniers, face au tout numérique, deviennent, comme les t-shirts et les posters, des objets physiques incontournables, car après tout, rien ne remplace le matériel. Si le streaming a changé, pour beaucoup d’entre-nous, les habitudes d’écouter de la musique, quand on éprouve un certain attachement pour les musiciens que l’on admire, on aime avoir une petite part d’eux dans son chez soi. Et quoi de mieux que le disque vinyle pour remplir cette fonction ? Une belle pochette plus grande qu’un CD, un son plus chaleureux à la lecture, le rituel de faire parler un disque lorsqu’il passe sous le diamant… Tant de raisons qui font que, malgré l’omniprésence du digital, le bon vieux vinyle, tel un phénix, semble renaître de ses cendres.